Rig veda en Français

Rig Veda
Samhita

Nouveau : tout le rig veda en un seul volume



introduction de ma traduction




Entre 4000 BCE1 et 3000 BCE, dans une zone comprenant l’Inde du Nord-Ouest, le Pakistan, l’Afghanistan, le Turkménistan et l’Iran actuels, des petites civilisations se sont développées. En général, elles étaient la suite logique du chamanisme local.

Leur fonctionnement était totalement différent du type de société que nous connaissons, et qui a, progressivement, gagné toutes les régions du monde. L’archéologie nous a démontré qu’elles ne possédaient pas d'armée, qu’elles étaient pacifiques, et pour le Turkménistan et l’Afghanistan, qu’elles étaient encadrées par des femmes2.

Ces civilisations pratiquaient la même spiritualité, venant du chamanisme, dans laquelle les participants utilisaient un puissant psychotrope3 qui était appelé soma en Inde et haoma en Iran4. Ces deux religions vénéraient, quasiment, les mêmes dieux – Indra, Mitra, Varuna etc – et le même but : obtenir l’illumination spirituelle5.

Chacune avait son texte sacré, oral à cette époque. Il était transmis de génération en génération.

Le Rig Veda était l’un d’eux. Celui des Indiens du nord-ouest de l’Inde de l’époque.

  1. De quand date le Rig Veda ?

Bien entendu, le Rig Veda ne contient pas de dates. Par contre, il fourmille d’indices que nous pourrions qualifier de « graves et concordants » comme le fait la Justice, à défaut de preuves matérielles.

Pour commencer, regardons à quoi ressemble le Rig Veda. C’est un recueil de

1028 hymnes – des chants de louanges – adressés à des dieux ou déesses, mais aussi aux montagnes, aux nuages, à la maladie, aux mortiers à soma, etc.

Ces hymnes sont classés en dix mandalas, ou chapitres. Le vocabulaire, nous signale qu’ils ne sont pas de la même époque. Les plus anciens sont les hymnes appelés, en Inde, « the family books6 », car les rishis se réclament d’un ancien auteur, issu de différents peuples, constituant le peuple védique.

Grâce à l’étude du vocabulaire et du nom des rishis, nous pouvons classer les mandalas, chronologiquement, ainsi :

1 – Les mandala de deux à sept sont les plus anciens, avec cette chronologie : 6, 3, 7, 4, 2, 57, plus la première partie du premier mandala. Une éclipse, décrite dans le cinquième mandala, nous permet de donner une date : 3929 ou 3928 BCE8. Néanmoins, le septième mandala, pourrait être un peu plus récent, mais ce n’est qu’une impression.

2 – Les mandalas huit, neuf, la deuxième et troisième partie du premier datent, probablement, d’entre, environ 3500 BCE et 2300 BCE.

3 – Le plus récent est le dixième. Ce dernier date, très vraisemblablement, d’entre environ 2200 BCE et 1900 BCE9.


La première date : nous pouvons donc penser que les premiers évènements se sont déroulés autour de 4000 avant notre ère.

La deuxième date repose sur des analyses hydrologiques10, et sur le texte11. Il s’agit de la rivière Sarasvatî12, aujourd’hui appelée Ghaggar, en Inde, et Hakra, au Pakistan. Elle s’est asséchée en 1900 avant notre ère. Or, dans le texte, cette rivière coule abondamment. Si abondamment, qu’elle est devenue une déesse13, symbolisant le « flot », de la parole, de l’illumination.
Nous pouvons donc considérer que le Rig Veda se déroule avant qu’elle soit asséchée.

La troisième date : les analystes indiens et occidentaux14 nous apprennent qu’une pénurie de soma, qui nécessite beaucoup d’humidité, a frappé la planète entière15, et que les prêtres l’ont remplacé par d’autres plantes, dont le lotus bleu et l'éphédra mélangé à du cannabis16.

Ces nouvelles plantes n’ont pas du tout les mêmes effets que le soma. Dans le dixième mandala, nous trouvons des hymnes qui n’ont pas grand-chose de commun avec ceux des autres mandalas. Certains nous font comprendre que le soma se raréfie, et qu’une partie de la population en est privée17.

Cette sécheresse a duré environ un siècle et a ravagé toute la zone intertropicale de la planète.

Nous pouvons donc estimer la raréfaction du soma a eu lieu entre 2200 et 2100 BCE, avant qu’il ne disparaisse. Par conséquent en pleine période mature de la civilisation de l’Indus-Sarasvatî.

  1. Géographie :

Là, c’est beaucoup plus simple. Il suffit de lire l’hymne à l’Indus18, le 10.75 qui donne sa position.

5 – Unissez-vous à mon éloge, Ô Gange, Ô Yamuna, Ô Sarasvatî19, Ô Shutudrî20, Ô Parushnî21. Avec l’Asiknî22, avec la Marudvridha23, avec la Vitastata24, écoutez avec ceux qui aiment le Soma dans la coupe.

6 – Tu es le premier qui vient en même temps que la Susartu, la Rasâ, la Shvestya25. Tu viens, Ô Indus, sur le bon char avec celles qui viennent : la Kubha26, la Gomatî27, la Krumu28, la Mehatnû29.

Certains noms ont changé, mais pas tous. Nous pouvons donc dire que les événements, contés dans les hymnes, se déroulent entre le Gange et l’Indus, entre 4000 et 1900, avant notre ère.

  1. La société védique de 4000 à 1900 BCE.

La société védique a fortement évolué pendant ces deux millénaires. Pendant environ cinq siècles, la vie n’était pas encore urbaine. Avant que les grandes villes modernes30, comme Harappa ou Rakhi Garhi sortent de Terre, la vie se déroulait dans des villages.

Des guerres, ou en tout cas des combats, avaient lieu contre des peuples différents31. Une guerre est bien documentée, c’est celle des dix rois, qui verra un affrontement, interne au clan des Pûrus, entre les Bharatas et cinq autres peuples, membres de la fédération des Pûrus, alliés à cinq autres peuples, non aryas. Les Bharatas ont gagné, et l’union s’est faite au sein des Pûrus.

L’agriculture, l’élevage, l’artisanat se développaient fortement et le besoin de changer de style de vie est vite devenu très important.

Au premier coup d’œil, les archéologues ont réalisé que ces villes avaient été planifiées, pensées, réfléchies, dans l’intérêt de tous. Chaque maison, même celles des pauvres, avait sa propre salle d’eau. Beaucoup d’entre elles avaient des toilettes sèches, ce qui n’existait pas ailleurs. La gestion des eaux usées était parfaite, contrairement aux autres civilisations de l’époque32.

Ces villes ne contiennent aucun palais, aucun temple, aucune construction de prestige de type pyramide ou ziggourat, aucune trace d’esclavage, aucune trace d’armée, aucun étalage de richesse, aucune trace de mégalomanie. Ce n’était pas une civilisation égalitaire, comme cela a été dit parfois, mais les inégalités n’étaient pas vraiment marquées.

Le fonctionnement était communautaire33. Il n’y a absolument aucune trace de centralisation, de jacobinisme, ni de verticalité dans tout le Rig Veda.

Un passage d’un hymne du dixième mandala dit ceci, dans un hymne à Indra34 : «Ceux-là l’ont choisi comme un peuple choisit son roi ». Ce qui laisse penser qu’une forme de démocratie pouvait exister.

Après la pénurie de soma, vers 2100 BCE, les castes, les Varnas, font leur apparition. Dans les neuf premiers mandalas, elles n’existent pas. Tout au plus, pouvons-nous y trouver le mot Brahman, décliné en Brahmanah, désignant les prêtres, mais jamais de Vaishas, de Shudra, ou de Râjanya35.

Absolument rien ne dit que ces castes36 étaient fermées, comme les Jâtis37 d’aujourd’hui. Au contraire, il se dégage du texte une impression de libéralité, de décontraction et de liberté individuelle. La seule règle, dans les neuf premiers mandalas, est : faites des sacrifices et, donc, buvez le soma.

Bien sûr, d’autres règles existaient sûrement, mais le RV n’en parle pas. Tout au plus, nous trouvons, dans le dixième mandala, quelques hymnes parlant d’inceste38 et de jeu39, mais sans le faire brutalement. Ce ne sont pas des interdictions, mais plutôt des recommandations.

L’archéologie a démontré que les mœurs étaient plutôt détendues. Les hommes, comme les femmes, allaient poitrine nue. Le texte du RV est même, par moments, très cru40. La sexualité n’était pas un tabou.

Le râja avait plusieurs femmes41, probablement pour des raisons de politique ou de diplomatie. Cependant, ilsemble bien, même si dans le dixième, il y a une nuance42, que c’était le seul, car tous les dirigeants de la société, qui participaient tous au sacrifice, y assistaient avec leur femme. Pas avec leurs femmes, ou une de leurs femmes.

D’autre part, absolument rien, dans le texte, ne dit que la femme était stigmatisée, d’une façon ou d’une autre43. Au contraire44, elle buvait le soma45. Et, aussi, il y avait plusieurs femmes rishis46.

  1. La spiritualité

Le livre du peuple védique, oral à l’époque, était donc le Rig Veda. Plus exactement, différentes compilations du Rig Veda. La première a dû être faite après la victoire de Sudâs sur les autres Pûrus, lors de la guerre des dix rois, entre 4000 et 3500 BCE. Cette compilation comprenait les mandalas 2,3,4,5,6.

Ensuite, les mandalas 1, 8 et 9 ont été ajoutés. Le dixième ne sera ajouté qu’après la pénurie de soma, après 2100 BCE.

Le dernier mandala de la deuxième compilation était donc le neuvième, qui est entièrement adressé au soma déifié. C’est aussi le plus long, en dehors du premier et du dernier qui ont tous les deux, exactement, le même nombre d’hymnes. Ceci nous indique donc que le soma, déifié, avait une importance considérable sur le fonctionnement de la société.

Toute la vie de cette civilisation tournait autour des sacrifices. Le sacrifice type47, l’Agnistoma, – l’éloge du feu, de la Lumière, de l’illumination – avait lieu tous les ans au printemps, au minimum. Tous les responsables de la société y participaient et buvaient le soma.

  1. Le sacrifice :

Dans le védisme, il n’est pas question d’avoir la foi, de croire en un ou des dieux. Cette notion n’existe pas.

Le sacrifice, c’est la messe des temps védiques. À l’époque, le yoga existait déjà (voir les sceaux, trouvés à Mohenjo-daro et ailleurs), même si ce mot n’existe pas pour désigner une discipline précise dans le Rig Veda48, les ascètes renonçants aussi49. Le sacrifice, tel que l'on peut se l’imaginer, était donc la cérémonie « officielle ». C’était l’occasion de demander aux dieux des biens matériels ou la fusion avec le Brahman. Toute la vie de la civilisation tournait autour du sacrifice. Il avait une importance considérable.

En réalité, il y avait deux types de cérémonies, les sacrifices publics et privés.

Le sacrifice privé : c’est un rituel familial que les gens faisaient chez eux, comme continuent au faire les Indiens d’aujourd’hui. Il s’agissait de mantras avec un rituel dans lequel on donnait un peu de beurre clarifié aux dieux en en versant une cuillerée dans le feu. Ce rite existe toujours, il s’appelle maintenant un puja. Le chef de famille le faisait seul ou il embauchait un ou plusieurs prêtres. Il pouvait y avoir consommation de soma.

Les sacrifices publics :

1 – Le sacrifice organisé par les « maîtres de maison » pour obtenir quelque chose : des enfants, des biens… Ces sacrifices pouvaient durer d’un jour à un an. Ils engloutissaient jusqu’à une année entière des revenus du sacrifiant50. On y étranglait un mouton, une chèvre, un taureau et même, pour les grandes occasions, un Cheval. Les sacrifices étaient l’occasion de grandes fêtes débordant de couleur, de musique et de grandes réjouissances avec charmeurs de serpents, musiciens, danseurs, etc. Quand on connaît la Khumba-Melâ où 35 millions de pèlerins, voire beaucoup plus51, se réunissent à Allahabad tous les douze ans, on imagine aisément ce que ça pouvait être il y a 4 000 ans. La spiritualité indienne n’est ni austère ni sinistre.

2 – Le sacrifice pour le Brahman. C’est le plus sacré des deux, et c’est celui qui est en deuxième lecture des hymnes. C’est dans ce sacrifice que l'on boit le soma.

Les dieux sont intérieurs. Quand on appelle un dieu pour lui demander des richesses spirituelles ou l’immortalité, on fait appel à ses propres forces intérieures. Les dieux sont des symboles. L’homme et la nature ne sont pas séparés. Les forces qui régissent l’Univers sont les mêmes que celles qui régissent l’humain.

  1. L'illumination :

La base de la spiritualité indienne, quelle que soit la religion, c’est « l’illumination52 » que les hindous appellent aujourd’hui Saint Graal, Vérité, Délivrance, Révélation, Extase mystique, Voir Dieu53, etc. C’est la prise de conscience du Brahman54, de l’Absolu.

Dans la tradition indienne, même encore aujourd’hui55, au-delà des problèmes quotidiens, il n’y a que ça qui compte. Toutes les voies pour y arriver sont bonnes. Aucun jugement n’est porté sur celles qui sont choisies.

Dans le Rig Veda, ils utilisent le soma. La plante mystérieuse qui est une plante enthéogène56. Le neuvième mandala lui est entièrement consacré. C’est le seul mandala qui est uniquement consacré qu’à un seul dieu. Dans toutes ses descriptions, on ne parle jamais de feuilles, de graines, de fruits ni de fleurs, mais de fibres57. Et puis en 2009, des archéologues russes ont trouvé en Mongolie une tapisserie dans une tombe datant du premier siècle de notre ère, tissée en Palestine ou en Syrie, et brodée dans les cités de l’Indus. Le motif représente des prêtres du zoroastrisme, fille du Védisme, la religion iranienne, vénérant un champignon qu’ils ont identifié comme étant une variété indienne du psilocybes58, c’est-à-dire un champignon qui contient de la psilocybine.

Or le zoroastrisme utilisait la même boisson (haoma) que le Védisme59. Ils en ont donc déduit que le soma en contenait aussi. Ce qui correspond tout à fait aux descriptions des hymnes du Rig Veda et à la description du neuvième mandala.

  1. Les effets du soma

Les plants de soma contenaient, donc, une tryptamine, de la même famille que celle que nous générons naturellement dans notre cerveau60: la dimethyltryptamine. Elle se « déclenche », entre autres, par le yoga, la méditation et surtout par le pranayama61. Stanislav Grof62 l’a démontré par une pratique des deux techniques : d’abord, pendant plus de dix ans, il soignait les schizophrènes par le LSD. Suite aux campagnes de presse, orchestrées par plusieurs sectes fondamentalistes américaines, et les tracasseries administratives qui ont suivi, il mit au point, avec l’aide de yogis, la respiration holotropique63. Il a obtenu les mêmes résultats qu’avec le LSD64. Il a développé cette technique pendant plus de 20 ans.

Voici les principaux effets rapportés par les chercheurs, avec leurs références.

Expansion de la conscience : Les psychédéliques peuvent provoquer une expansion de la conscience, permettant aux individus de ressentir une connexion plus profonde avec l'univers ou la nature. Cette expérience est décrite comme une unité mystique. (Référence : Griffiths et al. 2006)

Réduction de l'ego : Les psychédéliques peuvent diminuer temporairement le sens de soi et de l'ego, ce qui permet aux individus de se sentir plus en harmonie avec les autres et l'environnement. (Référence : Carhart-Harris et al. 2016)

Exploration de la spiritualité : Les psychédéliques peuvent encourager les individus à explorer leur spiritualité personnelle, à remettre en question leurs croyances et à rechercher une signification plus profonde dans la vie. (Référence : MacLean et al.2011)

Expérience de transcendance : les utilisateurs de psychédéliques peuvent décrire des expériences de transcendance, où ils ont l'impression de dépasser les limites de la réalité ordinaire et d'entrer dans un état de conscience supérieur. (Référence : Pahnke, 1963)

Bien sûr, ce ne sont pas des effets anodins. Pour que tout se passe bien, il est indispensable que cette expérience soit ritualisée.

La spiritualité disparaîtra en grande partie avec les tryptamines pour laisser la place à la religion. Les égos, la violence et la cupidité reviendront progressivement dans la plus grande partie de la population65. Une partie des prêtres feront du sacrifice le but même de leur religion et chercheront à asseoir leur pouvoir et à s’enrichir. Une autre partie prendra la voie des Upanishads qui donnera l’hindouisme moderne. Les castes, qui n’apparaissent que dans le dixième volume du Rig Veda, vont se figer et la religion remplacera la spiritualité pour l’écrasante majorité de la population.

  1. Quelques notions de base supplémentaires.
  2. Les trois mondes :

Pour le peuple védique, il y a trois mondes : Le Ciel, la Terre et le Monde Intermédiaire.

Le Ciel, c’est le Brahman, l’extase, l’absolu.

La Terre c’est notre monde tel que l'on le perçoit en état de conscience normal.

Le Monde Intermédiaire, c’est là que se trouvent les dieux, les démons, les esprits, les humains en route vers l’extase mystique. C’est là que se produisent tous les événements paranormaux.

Ce principe de division en trois se retrouve partout :

Les trois gunas66 (ensemble de qualités) qui créent le monde : sattva (tout ce qui est pur et lumineux) rajas (énergie, action) tamas (inertie, dégradation). ces gunas se combinent pour donner la matière et l’esprit. Les Indiens disent que la matière est de l’esprit solidifié.

La trimurti qui naîtra quelques siècles plus tard (Brahma67 le créateur, Vishnu qui maintient et fait fonctionner, Shiva qui détruit).

Les trois conditions pour réussir à connaître le Brahman : de pures dispositions d’esprit ; un environnement adéquat ; et un moyen utilisé qui soit efficace.

La définition du Brahman lui-même, sat-cit-ananda. .

Les trois doshas en médecine ayurvédique, et quasiment dans tout si on cherche bien68 etc.

  1. Mâyâ :

Mâyâ, que l'on traduit généralement par illusion, est la perception que nos sens nous donnent du monde qui nous entoure. La réalité est le Brahman, tout le reste n’est que Mâyâ. Nos yeux ne peuvent pas tout voir (infrarouges, ultraviolets, atomes, proton, neutrons, etc.) Nos oreilles ne peuvent pas tout entendre (infrasons, ultrasons, etc.) Il en va de même pour notre compréhension. On ne peut comprendre la Réalité (le Brahman) que si notre intellect se tait69. Mâyâ est donc une vision du monde à un certain niveau, mais absolument pas la réalité.

Rishi :

On traduit rishi par voyant, sage ou poète. Ce sont les auteurs des hymnes. Certains d’entre eux étaient les Purohitas70 des rois71.

  1. Réincarnation :

Cette notion n’existe dans le Rig Veda que dans le dixième mandala à une époque où le soma avait probablement disparu. Mais, par contre, on y parle beaucoup d’immortalité.

  1. La morale :

Le Rig Veda ne donne, pratiquement, aucune leçon de morale, et uniquement dans le dixième mandala.

  1. Lignée, descendance :

Un sacrifiant peut demander à avoir une nombreuse descendance mais ce n’est pas le cas des ascètes, yogis, sâdhus et autre renonçants qui sont chastes. Aujourd’hui encore, certaines confréries de sâdhus ainsi que les enseignements tantriques se font par des lignées d’un ancien rishi72. De maître à élève, pas de père en fils. De maîtresse à élève, dans le cas du Tantrisme73.

  1. La société védique de cette époque.

Une civilisation dans laquelle tous les dirigeants boivent régulièrement du soma ne peut pas être une société comme celles que nous connaissons. Plus haut, nous avons vu les effets que le soma donne, d’un point de vue occidental moderne.

Le texte nous donne de belles indications. En voici quelques-unes :

RV 2.41

4 – Mitra et Varuna, ce jus de soma permet d’atteindre la Vérité. Écoutez ici mon invocation.

RV 8.48.3.1

3 – Nous avons bu le soma. Nous sommes devenus immortels. Nous sommes entrés dans la Lumière, nous y avons trouvé les dieux.

RV 10.9

1 – Car tes eaux donnent du plaisir, place-les en nous pour la puissance, pour le grand bonheur lumineux.

9 – Ô Eaux, aujourd’hui, je suis venu m’unir à vous par le jus. Ô Agni, viens ici, plein de jus et coule pour nous unir à la Lumière.

Donc, tous les responsables de cette société, quels qu’ils soient74, connaissaient ce qui a été décrit un peu plus haut : une dissolution de l’ego, une expérience mystique, une disparition de l’agressivité, un sentiment de fraternité et d’amour envers les autres, etc.

Évidemment, ils ne pouvaient pas, et surtout ne voulaient pas, faire de guerres, conquérir d’autres pays, prendre des esclaves et, aussi, avoir une société avec des problèmes inutiles et nocifs.

L’archéologie le démontre largement. Il n’y a aucune trace de violence, de glorification de l’ego et d’inégalités excessives75.

Les dirigeants, râjas, s’occupaient de leur spiritualité et non pas de satisfaire leur ego.

  1. Les dieux principaux :

Contrairement aux occidentaux, les Indiens ne pensent pas qu’il y a l’homme et la nature, mais que l’homme fait partie de la nature76, et qu’il est donc soumis aux mêmes lois que le reste de la nature.

Les dieux sont les forces de la nature déifiées, le feu, le tonnerre, le vent. Mais également l’amitié, l’énergie, les rivières, les arbres, etc. Il y a au moins deux lectures des hymnes77 : celle pour les gens portés sur la spiritualité et celle pour ceux qui se satisfont d’une religion avec des dieux, et donc de la dualité.

Il y au s dieux principaux et les autres, sans compter les presque dieux, les esprits et beaucoup d’autres entités du même genre. Les dieux sont les forces ou les énergies qui régissent l’Univers, tout comme l’être humain qui fait partie de la nature et est donc régi par elles. Les hymnes sont destinés à accompagner l’ouverture de l’esprit au Brahman.

Chaque dieu est un aspect du Brahman, donc qu’un hymne s’adresse à un dieu ou à un autre n’a pas grande importance. Néanmoins, voici les principaux78 :

  • Aditi : « non liée » C’est l’infini, c’est aussi la Mère de toute chose79. C’est la Déesse Mère80.
  • Agni : C’est le feu sacré. C’est aussi le messager, car en versant dans le feu sacré une offrande, elle est directement envoyée aux autres dieux. Mais c’est aussi la Lumière qui vient chasser l’obscurité. C’est l'illumination.
  • Les Angiras : Angiras est le nom d’un des premiers Rishis. Les Angiras ne sont pas forcément des dieux, mais ils sont fils des dieux et certains dieux sont des Angiras. On les trouve dans le monde intermédiaire, comme les dieux. Ce sont les forces de la Lumière.
  • Les Ashvins : « semblable à un Cheval » Ce sont des dieux jumeaux, que l'on appelle aussi Angiras. Ils sont les frères de l’Aurore. Ils sont le lever de Soleil, y compris en nous-même. L'illumination.
  • Le char81 : les hymnes parlent très souvent de char. C’est un symbole. On peut le comparer en français à train : train de vie, mener grand train, etc. Dans le cas d’Indra, c’est assez simple : il s’agit d’un char de guerre à deux roues, rapide et maniable. Il symbolise l’esprit et sa vivacité. Il est tiré par deux Chevaux bais, symbolisant la force et l'énergie. Dans les autres cas, il s’agit plus d’un char d’apparat que d’un char de guerre82. Il est aussi tiré par des daims, des antilopes, des oiseaux, des chèvres ou des bœufs. Le mot sanskrit, comme tous les autres, signifie plusieurs choses, là, c’est aussi bien char, que chariot ou charrette.
  • Indra : « qui est puissant » c’est le dieu guerrier. Il est aussi rattaché aux sens, et en particulier à l’intellect, qui est un sens en Inde. C’est l’orage, son arme est la foudre. Sa puissance se révèle à travers le soma, dont il raffole. Il conquiert pour l’homme, la richesse (le Brahman), la Lumière (vache) et la force (Cheval).
  • Les Maruts : « qui font mourir ». Les vents. Ce sont les fils de Rudra, les compagnons d’Indra. Ce sont les dieux de l'énergie, puissance de volonté et de force vitale.
  • Mitra : « ami ». Inséparable et complémentaire de Varuna, il est le seigneur de l’amour, de l’amitié.
  • Rudra : « celui qui fait pleurer ». C’est le premier nom de Shiva. Il symbolise la destruction. Il est violent et terrible tout en étant compatissant pour tout ce qui souffre. Il détruit les ténèbres pour laisser la place à la Lumière.
  • Sarasvatî83 : « semblable à un lac ». C’est la fameuse rivière, déifiée, où se situaient les premières villes. Elle illumine toutes les méditations, elle est le flot du verbe divin qui illumine toutes les pensées.
  • Soma : « qui est pressé ». C’est la plante et son jus déifiés. C’est le moyen d’atteindre l'illumination. La plante est pressée, le jus est mélangé à de l’eau et du lait. On l’échangeait contre une vache et en pleine période védique classique84, elle coûtait le prix de l’or85.
  • Sûrya : « qui brille ». C’est le Soleil. Il est la Lumière et la Vérité. Ses fonctions sont la création lumineuse et la vision lumineuse. C’est l’illumination.
  • Ushas : « qui illumine ». C’est l’aurore. C’est aussi la Lumière de la connaissance, c’est l’illumination, la Vérité…
  • Varuna : « ce qui entoure ». C’est l’océan, le Ciel. Compagnon de Mitra, il détruit tous les ennemis. C’est la force consciente de la Vérité.
  • Vâyu : « qui souffle ». C’est le vent déifié, le souffle. Il est le maître du monde intermédiaire. Il est le maître de la vie.
  • Vishnu : litt « qui est actif ». Garant du fonctionnement du monde, seigneur de l’activité, il aide l’homme dans son ascension spirituelle.
  • Visvedevas : Ce sont tous les dieux.
  • Vritra : « qui couvre, qui obstrue ». C’est l’obscurité, les ténèbres. Il est l’ennemi, celui qui empêche l’homme d’atteindre l’illumination. Il doit mourir, grâce à Indra.

Il y en a beaucoup d’autres, vous trouverez la signification en bas de page, quand c’est possible.

  1. Les Âryas et les Dasyus (ou Dâsa) :

Ârya veut dire à l’origine, d’après sa racine indo-européenne, « celui qui avance, se lève, qui se met en route » et ensuite ce terme s’est généralisé pour signifier noble, vertueux, honorable. C’est le mot qui définit celui qui est dans une démarche spirituelle, qui fait des sacrifices, intérieurs ou non, et qui boit le soma. Par extension, il désigne tout ce peuple.

Dasyu (ou Dâsa), « celui qui est en manque de, qui épuise, qui limite, qui empêche », signifie impie, brigand, bandit, barbare, ennemi des dieux. Il n’a aucune démarche spirituelle et au contraire cherche à tirer l’Ârya vers le bas en l’entraînant par des pensées ou des actes contraires à la marche vers le Brahman.

L’opposition entre Dasyu et Ârya est une métaphore guerrière entre les forces de la Lumière contre celles de l’obscurité. Elle est très probablement basée sur un très ancien conflit entre deux ou plusieurs clans.

  1. Comment lire le Rig Veda ?

Surtout pas avec un esprit cartésien et rationnel. Il faut se laisser porter par le texte et se représenter une cérémonie avec des prêtres chevelus et barbus, ou la tête rasée, récitant les hymnes devant trois ou plusieurs feux. Chaque vers est un mantra qui était récité ou chanté pendant les premiers jours du sacrifice et lors du dernier pendant que la tryptamine « montait » dans le cas de sacrifices au soma. Il faut compter de une demi-heure86 à une heure environ avant que l’effet soit maximum. Le sacrifiant se concentrait sur le son, le rythme et la signification du mantra.

Chaque stance est un support de méditation. Donc, inutile de « dévorer » le Rig Veda.

Le Rig Veda se lit à trois niveaux correspondants aux trois mondes :

  • La Terre : c’est lau cture au premier degré.
  • Le Monde Intermédiaire : il y a toujours dualité, mais on sait que le but est la fusion avec le Brahman.
  • Le Ciel : C’est la non-dualité. Tout est limpide pour le connaisseur du Brahman.



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Mini-glossaire.


Ambassadeur : autre nom d’Agni. Agni transmet aux autres dieux l’offrande qu'on lui fait.

Aryaman : autre nom d’Agni.

Assemblée : les diverses personnes assistant au sacrifice.

Asura : être spirituel, en rivalité avec les dieux.

Augmenter, croître : progresser jusqu’au Brahman.

Aurore, aube : l’illumination

Beauté : le Brahman.

Beurre clarifié : offrande, symbole de Lumière.

Bonheur : le Brahman.

Butin : richesses spirituelles

Caverne : là ou est enfermée la Lumière. Blocages mentaux.

Char : vivacité d’esprit

Cheval : force, énergie

Combat, batailles : combats intérieurs

Connaissance : quand on a eu l’expérience du Brahman

Démons : ce qui empêche l’illumination.

Serpent : Vritra, l’obscurité, les ténèbres.

Eaux : symbole de purification.

Ennemis : ignorance, pensées, actions qui empêchent l’illumination.

Fils, enfant : les résultats positifs de la quête spirituelle.

Flots : les flots de Lumière, l’illumination

Foudre : l’arme d’Indra qui tue l’ignorance pour laisser la place à la Lumière.

Héros : en général, ceux qui ont connu l’illumination, mais aussi les dieux.

Hommes : les êtres humains en général

Indu : les gouttes de soma. Autre nom du soma.

Ivresse : l’ivresse que donne la tryptamine. Rien à voir avec l’ivresse alcoolique

Maghavan : autre nom d’Indra « le généreux ».

Manu : le père de l’humanité, l’humanité.

Miel : le soma. On dit aussi : le doux.

Mondes : les trois mondes : le Ciel, le monde intermédiaire, la Terre.

Nourriture : nourritures spirituelles, la lumière, le soma.

Nuit : l’ignorance.

Obscurité : ignorance, ce qui empêche l’illumination.

Océan : vastitude de l’esprit

Parole : le mantra qui apporte l’illumination.

Place-fortes : tout ce qui est contraire à l’illumination.

Abondance : richesses spirituelles.

Portion, part : la dose de soma versée dans la coupe. Part de richesse spirituelle.

Règle : l’ordre des choses. L’ordre cosmique. Le dharma.

Riche : qui est riche spirituellement.

Richesse : richesse spirituelle, illumination.

Rivière : flots de la parole, de l’illumination.

Savitri : l’incitateur. Le Soleil.

Ténèbres : l’ignorance.

Trésor : le Brahman.

Union, unir : union avec le Brahman

Vache : Lumière

Vérité : le Brahman.

Victoire l’illumination.




1BCE = Before commun era. Avant notre ère.

2Afghanistan: Treasures of anonymous rulers. Moscow, 1983. Viktor Sarianidi

3Une variété locale du psilocybe. Wurts, M., M. Semerdzieva & J. Vokoun (1984). Analysis of psychotropic compounds in fungi of the genus Psilocybe by reversed-phase high-performance liquid chromatography.- J. Chromatography 286: 229-235.

4https://scfh.ru/en/news/we-drank-soma-we-became-immortal-/

5L’illumination ne concerne que la première expérience. Les suivantes, n’étant plus une découverte, ce mot ne convient plus.

6À prendre au sens large.

7Shrikant Talageri, The Rig Veda, Historic analysis. Aditya Prakashan, 2000. Talageri.

8Ces deux dates correspondent aux différents calendriers chrériens, ajustés pour correspondre réellement aux années solaires.

9Voire un peu plus tard.

10Michel Danino. The Lost River On The Trails of Saraswati. Penguin books limited. 2010.

11RV 10.75.

12Litt : « semblable à un lac ».

13La seule rivière qui soit une déesse.

14Le ferment divin. Dominique Fournier, Salvatore D’Onofrio, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, Ministère de la Culture. 1991

15L. Giosan, « Fluvial landscapes of the Harappan Civilization », Proceedings of the National Academy of Sciences,  109, o 26,‎ , 

16Des traces de ce mélange ont été trouvées dans la civilisation de Karakoum.

17Le dixième mandala parle de la sécheresse. RV 10.114.1.

18Ou à l’Indus. C’est le même mot pour les deux.

19Aujourd’hui : la Ghaggar, en Inde, et la Hakra au Pakistan.

20Aujourd’hui la Sutlej.

21Aujourd’hui : la Râvî.

22Litt : « la noire ». Une rivière, affluente de l’Indus ».

23Litt : « qui se réjouit dans le vent ».

24Affluent de l’Indus, aujourd’hui le Jhelum.

25Rivières affluentes de l’Indus.

26La rivière Kabul. Affluente de l’Indus.

27Litt : « qui a des Vaches ». Affluent de l’Indus.

28Affluent de l’Indus.

29Ibid.

30Pour l’époque, les villes étaient le nec plus ultra des cités de toute la planète.

31Dasyus, Dâsas, Panis, etc.

32En Égypte et en Mésopotamie, les habitants buvaient de la bière pour ne pas être malades.

33Jonathan Mark Kenoyer : Ancient Cities of the Indus Valley Civilization. OUP Pakistan, 1998.

34RV. 10.124.8.

35La caste des dirigeants. Elle changera de nom plus tard pour devenir les kshatriyas, de la racine kshatra = domination, suprématie.

36Mot portugais qui mélange les varnas et les jâtis (les castes d’aujourd’hui)

37Les castes d’aujourd’hui, qui font le bonheur de Bollywood et des journalistes occidentaux.

38RV. 10.10.

39RV. 10.34.

40RV. 10.86.6. RV 8.1.34, entre autres.

41RV. 7.18.2.

42RV. 10.101.11.

43RV. 10.18.7.

44RV. 9.112.10.

45RV. 9.38.4.

46Romasâ, Lopamudrâ, Apalâ, Kadrû, Visvavarâ, Ghoshâ, Juhû, Vagambhrinî, Paulomî, Yamî, Indranî, Savitrî, et Devajamî.

47Décliné de différentes façons.

48Les hymnes fourmillent de termes comme union, attelage, etc.

49RV X.136

50La personne qui offre le sacrifice.

51En 2019, il y a eu environ 150 millions de pèlerins.

52Ce terme est utilisé en occident, mais est très restrictif, mais faute de mieux, c’est celui que j’utiliserai.

53Bien que cette expression induise une dualité.

54The Concept of the Absolute in the Upanishads". Surendranath Dasgupta

55D’autant plus que le système de réincarnation est basé sur elle.

56https://fr.wikipedia.org/wiki/Enthéogène

57Amshu.

58https://fr.wikipedia.org/wiki/Psilocybe

59https://scfh.ru/en/news/we-drank-soma-we-became-immortal-/

60Rick Strasmann : DMT: The Spirit Molecule. Park Street Press. 2001.

61Le contrôle du souffle.

62Psycholigoe transpersonelle. J’ai lu.2009.

63Interdite en France.

64Les nouvelles dimensions de la conscience. Stanislav Grof. Éditions du Rocher. 1999.

65Une partie des brahmanes, les ascètes et les yogis développeront les Upanishads.

66https://fr.wikipedia.org/wiki/Guna

67Le Brahman déifié.

68On retrouve ces trois doshas, dans la composition de l’atome :électrons, protons, neutrons.

69Ce qui est quasiment impossible à comprendre pour un intellectuel occidental.

70L’équivalent des chapelains des nobles en occident.

71Ce mot vient d’une racine signifiant gouverner, représenter, gérer, administrer.

72Les disciples portent tous le nom du maître.

73Théoriquement.

74Toute la caste des Râjanyas. En cas de refus, ils devaient changer de caste et ne pouvaient plus diriger la société.

75En fait, c’est le contraire de nos sociétés occidentales.

76Au sens large du terme.

77Plus lau cture au premier degré, qu’évidemment nous n’aborderons pas ici.

78Tels que les ont définis Sri Aurobindo et Jean Hébert. Sri Aurobindo était un sage indien, ayant fait ses études à Londres, et qui a su expliquer sa compréhension du Véda, à la manière occidentale.

79Une vision du Brahman, plus simple à comprendre.

80Une version féminisée du Brahman, popularisée par Sri Aurobindo.

81Le char n’est pas un dieu, mais un de leurs attributs.

82Le char des Ashvins a trois roues.

83Aujourd’hui, elle s’appelle la Ghaggar, en Inde et la Hakra au Pakistan. La frontière indo-pakistanaise la coupe en deux. Elle est asséchée aujourd’hui. Michel Danino : The lost river, on the trail of the Sarasvatî. Penguin books, India. 2010.

84Qui commence après l’évacuation des villes, après 1900 BCE.

85Pour avoir tous les détails de la cérémonie du soma, lire :https://www.forgottenbooks.com/fr/books/LAgnistoma_10471205

86Voire moins, puisqu’ils ne mangeaient que du yaourt pendant toute la durée du sacrifice, et ne dormaient pas la dernière nuit avant la consommation du soma.


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